Pierre-Joseph PROUDHON (1809-1865). Lettre autographe signée à Gustave Chaudey, son avocat. S.l., 30 septembre 1859. 6 p. in-8 avec adresse de l'enveloppe. Feuillets tachés. Longue lettre à propos des causes de son exil et l'évolution de la loi sur les délits de presse : il faut que je me décide à remettre à jour notre correspondance puisque la camerilla des jésuites, des agioteurs, des prétoriens et des catins, qui constituent le gouvernement français, ne permet pas que je revoie de sitôt ma patrie. Vous avez appris sans doute que je me trouvais exclu de l'amnistie. Suit un long passage dans lequel il rappelle les conditions de son exclusion. Puis il vient au fondement de cette exclusion : Quant à la légalité même de mon exclusion, j'ai soutenu et je soutiens que si, au fond, il n'y eut jamais de non amnistie plus politique que la mienne, dans la forme il répugnait au sens commun et aux vrais principes de la regarder comme telle. Il indique ensuite les transformations de la loi depuis 1789 et conclut : Je dis que de 1789 à 1852 il s'est opéré, sur cette question des outrages à la morale une évolution dont le résultat est de les rendre passibles de peines correctionnelles … il ne reste à faire désormais qu'une chose qui est de supprimer du texte de la loi la mention de religieuse et de ne laisser subsister que ceux de morale publique ou simplement morale … mais il ne sera pas dit que j'ai mis ma liberté, mon salut personnel au dessus de la vérité et du droit … que la liberté revienne et nous leur ferons le procès. Il évoque le régime en France et l'équilibre des nations : Napoléon III, n'ai-je cessé de dire est une expression révolutionnaire ; il ne peut rien faire, ni pour la liberté et la sécurité de la France, ni pour l'ordre européen, ni pour l'émancipation de l'Italie, ni pour la solution du problème d'Orient … tout prouve que l'esprit de l'Empire, c'est irrémédiablement le despotisme, un despotisme appuyé sur les jésuites, les prétoriens et les agioteurs … que vous dirai-je ? En Angleterre, comme en Allemagne, en Belgique, en France, partout, il me semble que l'espèce humaine est atteinte d'une espèce de ramollissement du cerveau. On ne pense plus, on n'a pas même la force de penser ; l'idée répugne … on fait de la musique, on fume du tabac, on ne croit qu'à la bonne chère et à la liberté des amours. Les journaux sont dignes d'un tel public : aux hommes ils servent de plats commérages … aux femmes des romans… Il annonce son prochain volume La Guerre : J'ai lu, plume en main, Grotius, Vattel et autres ; je sais à peu près ce que pense Leibniz, Wolf, Puffendorf … Mais avant de sceller mon manuscrit … y a-t'il des écrivains … après ceux que je vous ai cités que je doive connaître ?