Pierre-Joseph PROUDHON (1809-1865). Lettre autographe signée à Gustave Chaudey, son avocat. Ixelles-les-Bruxelles, 29 juillet 1861. 4 p. in-8. Quelques taches et réparations. Longue lettre pour le remercier de la défense de son ouvrage La Guerre et la paix et commentaire sur celui-ci : Mon cher ami, Que je vous embrasse, et qu'en même temps je vous fasse amende honorable ! en voyant l'avalanche des clameurs qui s'élevaient contre mon livre, je me suis demandé songeant à lui ; Osera-t-il ? Je vous ai offensé dans mon cœur, cher ami, car j'ai douté un moment de votre courage, mais cela venait de mon propre cœur … Vous avez osé dire ce qu'il vous semblait de mon livre quand tout déclamait contre lui … C'est pour la seconde fois que vous consentez à être mon avocat … il y a 13 ans, en 1848, je fus seul un jour contre tous avec le pauvre Greppo : mais Greppo ne savait ni parler ni écrire. Maintenant il y a une voix, une plume puissante qui me fait écho … Causons maintenant de sang froid … Vous avez parfaitement compris encore que c'étaient nos démocrates qui avaient besoin d'être rassurés contre la peur du despotisme se prévalant de la force brutale … Soyons forts ! c'est à dire cessons d'être lâches, d'être femmes, redevenons des hommes, et nous serons libres. Il évoque ensuite la défense que Chaudey a faite de son livre : Vous avez indiqué en parlant qu'il y avait à faire quelques réserves … quelles questions selon vous réclament ici le plus d'explications ? … puis sur son livre lui-même : Je sais qu'on me reproche de tous les côtés, d'avoir abandonné les Polonais pour le Tsar, de trahir les Italiens en me prononçant contre l'unité, d'encourager l'esclavage en ne prenant pas fait pour les Américains du Nord. Un mot d'indication sur tout cela s'il vous plait. … J'ai bien des choses à dire encore sur le droit de la force sur lequel je veux ne laisser aucun nuage ; sur la situation européenne, sur la meilleure tactique à suivre vis-à-vis des états despotiques, sur l'avenir des nationalistes, etc., etc. … Vous n'êtes pas pour rien dans ma dernière œuvre : continuons donc, et à nous deux nous ferons Force et Droit. Il annonce son prochain travail : J'ai sous presse mon travail sur l'Impôt … La société est partout bien malade. De tous côtés éclatent de hideux scandales et le public ne s'étonne de rien. Notre époque est l'analogue de celle des Césars, je le redis sans cesse. Nous ne combattons pas … pour le pouvoir ; nous combattons pour la régénération de l'humanité. Je ne vois plus la chose que de ce point de vue. C'est d'après cette pensée que je règle ma conduite. Peut-être, rentré en France, trouverai-je qu'il y a quelque chose de plus à faire : mais je suspens mon jugement…