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Pierre-Joseph PROUDHON (1809-1865). Lettre autographe signée à Gustave Chaudey, son avocat. Bruxelles, 30 décembre 1858. 5 p. in-8. Taches et manques. Il se plaint de difficultés financières : Je suis à la gêne, cela n'est pas difficile à concevoir. Mon expatriation me coûtera de 1000 à 1200 fr. de frais. J'ai épuisé le peu qui me revenait après deux années de prélèvement sur le produit de mon dernier livre… Il se plaint également de sa santé et du travail qu'il doit fournir : J'avais besoin d'un repos, d'un vrai repos d'au moins six mois … Il faut que je travaille quand même … On me dit : Faites des livres qui se puissent vendre à Paris et vous pourrez encore gagner de l'argent, beaucoup d'argent ! … mais je sais, je sens moi … que je ne puis rien faire que la police puisse souffrir… Il évoque les difficultés avec son éditeur Boussard et son métier d'écrivain : Oui, mon intention est de traiter un jour, avec Boussard, de la publication d'un ou plusieurs ouvrages jusqu'à ce qu'il ait récupéré la somme qu'il a perdu avec moi … Mon cher ami, vous le savez, je ne suis pas un fabricateur de prose ad libitum. Je n'écris qu'autant que je pense … Un travail comme le mien est juste l'opposé de celui que font la plupart des gens de lettres, dont le secret est de ne rien penser de ce qu'ils écrivent. Voilà pourquoi j'ai tant de peine à produire … j'arriverai au terme de ma carrière sans avoir pu joindre les deux bouts. Encore une fois comment Boussard veut-il que sans argent et sous le régime actuellement fait à la presse je lui donne satisfaction ? Qu'il me laisse tranquille et à la fin il retrouvera tout ; c'est la seule réponse que je lui puisse faire. Il évoque le procès Montalembert et les plaidoiries de Du Faure et Berryer : Certainement ce cri de Liberté, dans la bouche de ces messieurs doit avoir de l'écho … mais la plaidoirie a quelque chose de si odieux en elle même qu'on est tenté d'applaudir à Chaix d'Est Ange rappelant les anciens services de M. le Comte et lui demandant pourquoi il a changé tout à coup et si complètement … Non, non, jamais je ne consentirai à me rapprocher de cette vipère, jamais dis-je, à moins d'une abjuration complète de toute sa vie, de tout son christianisme, de tout son monarchisme … . Il évoque son propre cas : Et ma cause n'est toujours pas appelée : croyez vous qu'elle vienne enfin ? … qu'on me laisse rentrer avec mon livre, et continuer la guerre aux jésuites, aux romantiques et à leurs compères. Il évoque la Belgique : Vous ne savez rien de la Belgique - il est bon que je vous en dise quelques mots … La Belgique est libre, légalement parlant ; en réalité, elle est esclave, et plus corrompue, plus éloignée de la liberté et du droit, de quinze ans que la France … La Belgique, si rien ne vient troubler le travail qui s'y fait, aura avant dix ans son février 48 … vous me demandez ce que fait la presse, elle n'existe pas … vous pensez bien qu'en présence du péril croissant je ne reste pas inactif … bien décidé à user de ce qui reste de liberté légale sur ce coin de terre belge pour enrayer ce mouvement satanique … Le malheur est que je ne puis organiser les rapports avec les amis de France … Tout tremble devant ce terrible mot Cayenne. Quiconque résiste à la politique impériale est déclaré ipso facto appartenir à un parti politique qui n'est pas celui de l'Empereur. Il évoque enfin "L'Amour" de Michelet : Quelle barbouille érotique que tout cela ! quelles colères tribadiques et conclut : Avec tout cela, soyez persuadé, mon cher ami, que la France est encore le vrai foyer de l'idée et le centre du mouvement…
