Exceptionnelle croix en or avec cinq intailles en cristal de roche représentant le Christ en Majesté et le Tétramorphe. La croix, de forme pattée aux extrémités arrondies, est constituée d'une feuille d'or ; ses bords portent des bandes rivetées au décor poinçonné de petits points anguleux ; les têtes des rivets sont marquées d'une rosette. Cristaux de roche gravés au nombre de cinq : au centre, en forme de mandorle (27mm × 19 mm), le Christ assis et bénissant accompagné des lettres ???U? ; sur chaque branche de la croix, de forme ovale (env. 19 mm × 16 mm), en haut, l'aigle de saint Jean et IOHANNES, à droite, le taureau de saint Luc et LVCAS, à gauche, le lion de saint Marc et MARCUS, en bas, l'ange de saint Matthieu et MATTEUS ; ces intailles sont enchâssées dans une monture fiée par un cerclage dont les rivets ont des têtes poinçonnées. Art ottonien, IX/Xe siècle sans exclure toutefois le réemploi de gemmes d'époque carolingienne. 11,7 × 11,7 cm Poids : 41 g Dans un écrin en velours (bords déchiquetés par endroit) Provenance : - de tradition familiale, elle aurait appartenu au pape Clément IX, Jules Rospigliosi, (1667-1669) - ancienne collection du Prince Girolamo Rospigliosi jusqu'en 1931. - ancienne collection Khadjavi Manzandarani Aghabozorg, homme d'affires iranien (acte de vente du 27 novembre 1931) - collection privée, Paris Un certifiat de bien culturel sera remis à l'acquéreur La forme de cette croix aux branches équilatérales, évasées et aux extrémités arrondies, ne semble pas caractéristique d'une époque précise dans l'art de l'orfèvrerie médiévale. On en trouve ainsi un exemple très approchant dès les VIe/VIIe siècles dans la collection Rovati essentiellement constituée d'objets en or repoussé relevant de l'art byzantin et lombard (fi.a). Plusieurs croix de forme similaire se rencontrent à l'époque mérovingienne (fi.b et c). Le symbolisme des Quatre Evangélistes par le Tétramorphe a commencé à s'imposer dans l'iconographie chrétienne à partir du Ve siècle. La représentation de l'ensemble constitué par les quatre animaux entourant le Trône de Majesté est directement inspiré de la vision de saint Jean (Apocalypse 4, 2-7) ; elle fut très appréciée à l'époque carolingienne comme le montrent les miniatures de nombreux manuscrits (fi. d – Bible de Moutier-Grandval exécutée vers 835). La croix de la collection Rospigliosi semble de facture homogène. Elle se compose d'une feuille d'or fi découpée dont le périmètre porte des bandes au décor poinçonné jouant un rôle ornemental mais aussi servant à donner de la rigidité à l'objet. Le travail de poinçonnage de ces bandes a été réalisé une fois leur fiation sur la croix comme le montrent les empreintes de ce décor visibles au revers. Les têtes des rivets, ceux fiant les bandes et ceux fiant les cerclages des gemmes, sont marquées pour la plupart d'une rosette confortant la cohérence de fabrication de l'objet. Les bords conservent par endroit les traces d'un cloutage qui indiquent que cette croix était fiée à l'origine sur un support, vraisemblablement en bois. Deux hypothèses sont avancées par les historiens d'art : son insertion au centre d'un plat de reliure d'évangéliaire (en accord avec le thème du Tétramorphe) ou son appartenance à une croix pectorale destinée à un grand dignitaire. Les quelques personnes qui ont pu examiner cette croix s'accordent à considérer que l'ensemble constitué par ces cinq intailles en cristal de roche datant du IXe ou du Xe siècle est d'une insigne rareté, les gemmes de cette époque étant conservés dans les musées ou les trésors des cathédrales. La famille des Rospigliosi appartient à la grande noblesse italienne d'origine milanaise. Ils s'établirent en Toscane à Lamporecchio à partir du XIIe siècle, puis à Pistoia et bénéfiièrent d'importantes charges dans l'armée pontifiale. Les collections de la famille Rospigliosi, alliée depuis 1669 aux Pallavicini, sont renommées pour leur richesse en œuvres d'art, mobilier et tableaux de maîtres ; elles ont fait l'objet de nombreuses publications, certaines encore récentes, qui en exposent l'importance et la diversité. Une partie de ces collections a été cependant dispersée lors de ventes aux enchères durant les années 1931 et 1932, suite à des revers de fortune dus à la vie dispendieuse que menait le Prince Girolamo. C'est à ce moment-là que celui-ci décida de se séparer de cette croix - dans la famille depuis plusieurs siècles – en la vendant à un richissime homme d'affires iranien, M. Aghabozorg. Ce dernier l'aurait alors achetée pour une somme importante – l'équivalent d'un tableau du Pérugin ou de Raphaël à l'époque – afi de l'offir à son épouse qui appartenait à une grande famille allemande (acte de vente du 27 novembre 1931). Plusieurs historiens d'art et experts se sont penchés sur cette rare croix tant sont peu nombreuses les œuvres d'orfèvrerie du Haut Moyen Age présentant des intailles en cristal de roche. En voici les points les plus remarquables : M. Alessio Monciatti - Professeur associé d'Histoire en art médiéval auprès de l'Université de Molise (Abruzzes) – auteur de nombreuses publications sur l'art du XIIe au XIVe siècle : Il souligne le corpus restreint comparatif, limité à une vingtaine d'œuvres comptabilisées par Genevra Kornbluth, réalisées en Lotharingie, du milieu du IXe siècle au commencement du Xe siècle ; il souligne également l'homogénéité de cette croix. D'après des indications trouvées dans des manuscrits du IXe siècle sur ce type de production et après avoir établi des comparaisons étroites avec des "gemmes" très semblables conservés à Toledo (Ohio), à Milan, à Berlin, au Vatican, à Londres ou à Conques, il rattache cette croix en or, à la production d'orfèvrerie de Metz, étroitement liée au Sacramentaire de Drogon, fis de Charlemagne et évêque en 823. Pour lui, le commanditaire ne pouvait être qu'un personnage d'un rang très élevé, probablement un clerc de l'Eglise. M. Corrado Fratini - Professeur en histoire médiévale et chercheur confimé : Après une analyse de l'objet et après une comparaison avec l'autel d'or de Saint Ambroise de Milan datant des années 824 à 859, il conclut à une datation au début du IXe siècle en la rattachant à l'art carolingien. M. Oleg Zastrow – Auteur de nombreux ouvrages sur l'orfèvrerie médiévale : De point de vue stylistique, l'œuvre est une parfaite représentation du style et de l'esprit de l'art ottonien, conjugaison rare et raffiée du monde germanique et du monde romano-byzantin. Mme Genevra Kornbluth – Professeur associé à la Youngstone State University, spécialiste reconnue des gemmes du HautMoyen Age, auteur de nombreuses études et notamment d'un ouvrage faisant autorité sur les intailles de l'Empire Carolingien. Elle a étudié longuement cette croix dont elle a pris plusieurs photos en haute défiition. Elle analyse plus particulièrement la technique utilisée pour la gravure des cristaux : une mèche à pointe sphérique qui ne dessine pas de "réelles lignes incurvées mais plutôt des groupements d'encoches droites positionnées de façon à donner l'apparence de courbes". Elle s'est également penchée sur l'iconographie ; elle relève en particulier le traitement original de la tête de l'aigle de saint Jean avec ses trois bandes étroites qu'elle rapproche du grand aigle/faisan de la fiule en or émaillé de Mayence que l'on date des environs de l'an 1000 ou du deuxième quart du XIe siècle. Après une analyse des inscriptions, elle suggère une origine carolingienne pour cet ensemble de gemmes qu'elle situe au début du Xe siècle en indiquant toutefois que les artisans ottoniens ont pu être inspirés par les productions carolingiennes pour graver leurs propres cristaux fiuratifs, les Ottoniens étant connus pour leur réinterprétation des compositions visuelles carolingiennes. M. Claudio Lanzi – spécialiste du symbolisme de la croix. Il émet l'hypothèse d'un pectoral appartenant à un évêque ou d'une couverture d'évangéliaire. Construction géométrique à partir de quatre cercles se rattachant à l'art Haut-lombard. M. Carlo Carletti – Philologue et Professeur à Rome sur l'évolution de la langue latine et grecque au Moyen Age. Il a étudié les inscriptions et particulièrement les lettres d'???U? (IXTUS) accompagnant le Christ assis en majesté. Il explique qu'il s'agit de majuscules et que la forme du Y et du S ainsi que du Sigma en "lunato" sont dus à des phénomènes de "translitterration" consécutifs à l'évolution de la langue entre le VIIIe et le XIIe siècle. Le Upsilon de MARCUS et de MATTEUS suit les mêmes règles de l'évolution linguistique avec la "phonétisation" du latin et du grec d'avant l'an 1000. Ces diffrentes études seront remises à l'acquéreur Ouvrages consultés : O. Zastrow et S. de Meis, Oreficeria in Lombardia dal VI al XIII secolo – Croci e Crocifissi, Milan, 1978 ; G. Kornbluth, Engraved Gems of the Carolingian Empire, The Pennsylvania State University, 1995 ; Exposition Monza 2011, Petala Aurea – Lamine di ambito bizantino e longobardo dalla Collezione Rovati, Chapelle de la Villa Reale, cat. Exceptional Gold Cross Pattée with rounded arms, edged with metal bands stamped with angular dots held in place by rivets topped by rosettes; with fie engraved rock crystal intaglios portraying Christ in Majesty and the tetramorph, within frames held in place by rivets with stamped heads. One central intaglio of mandorla form (27 × 19mm), engraved with an enthroned Christ, his arm raised in blessing, and the inscription ???U?. Four oval intaglios (approx. 19 × 16mm) evoking SS John, Luke, Mark and Matthew placed on the arms of the cross, inscribed (clockwise from top) IOHANNES above an eagle, LVCAS above an ox, MARCUS above a lion, and MATTEUS above an angel. Ottonian Art, 9th/10th century A.D. (gemstones possibly earlier, i.e Carolingian) 11.7 × 11.7cm Weight: 41g in velvet presentation case (edges torn in places) Provenance - Jules Rospigliosi (Pope Clement IX 1667-69), according to family tradition - thence by descent - Khadjavi Manzandarani Aghabozorg, Iranian businessman (acquired from Prince Girolamo Rospigliosi, 27 November 1931) - Private Collection, Paris this item has been granted a French export permit The form of this equilateral cross, with its rounded arms, does not seem typical of a specifi medieval period. A quite similar example in the Rovati Collection, formed mainly of Byzantine and Lombard repoussé gold items, dates from the 6th/7th century (fi. a), while there are various crosses of similar form dating from the Merovingian period (fis b & c). The symbolism of the tetramorph became established in Christian iconography in the 5th century. Portraying the Four Evangelists, and the four creatures associated with them, around Christ in Majesty is directly inspired by St John’s vision described in the Book of Revelation. The arrangement was popular in the Carolingian era, as shown by miniatures in numerous manuscripts (fi. d – Bible of Moutier-Grandval, c.835). The cross from the Rospigliosi Collection seems to be of homogenous fabrication. It consists of fiely cut gold leaf, rimmed with decorative metal strips that lend the item rigidity. These strips have patterned stamping that must have been applied after they were fied to the cross, as traces of the patterning can be seen on the back. The heads of most of the rivets – whether used to fasten the strips or the framed mountings around the crystals – are marked with rosettes, reinforcing the cross’s stylistic unity. The edges retain traces of nails in places, suggesting the cross was originally fied to a (probably wooden) support – either inserted into the binding-cover of a Gospel (in line with the theme of the tetramorph), or to a pectoral cross made for a high-ranking cleric. To fid a set of fie rock crystal intaglios, dating from the 9th/10th century, in private hands is extremely rare. Most of the gemstones from this period to have survived are now only to be found in museums or cathedral treasuries. The Rospigliosi family were of aristocratic Milanese origin and settled in Tuscany in the 12th century – fist at Lamporecchio, then in Pistoia. They held important positions in the papal army and became allied to the Pallavicini family by marriage in 1669. The Rospigliosi family collection is renowned for its wealth of works of art, furniture and Old Master paintings, and has been the subject of numerous publications (some of them recent) charting its importance and diversity. Part of the collection, however, was sold (mainly at auction) in 1931/2, due to the fiancial misfortunes of the extravagant Prince Girolamo. He sold the cross – which had been in the family for several centuries – to Khadjavi Aghabozorg, a wealthy Iranian businessman who bought it on 27 November 1931 (for a price then equivalent to that a Perugino or a Raphael) as a gift for his wife, who came from a leading Germany family. A number of experts and art historians have sought to examine this very rare cross. Herewith a summary of their key fidings: Alessio Monciatti (Associate Professor of Medieval Art History at the University of Molise, and author of numerous publications on 12th-14th Century Art) underlines the limited corpus – just twenty or so items, according to Genevra Kornbluth – produced in Lorraine between the mid-9th century and early 10th century; he also stresses the stylistic unity of our cross. References to such items in 9th century manuscripts, and comparisons with similar ‘gems’ in Toledo (Ohio), Milan, Berlin, the Vatican, London and Conques, lead him to link the cross to gold produced in Metz, and specifially the personal sacramentary of Charlemagne’s son Drogo (installed as Bishop of Metz in 823). He believes the cross was almost certainly commissioned by a high-ranking ecclesiastic. Corrado Fratini (Professor in Medieval History & Distinguished Researcher) considers the cross to be Carolingian and, based on a comparison with the gold altar of St Ambrogio in Milan (824-859 A.D.), dates it to the early 9th century. Oleg Zastrow (author of numerous publications on medieval goldsmith's) calls the cross a perfect example of the style and spirit of Ottonian art – and a rare and refied combination of the Germanic and Romano-Byzantine worlds. Genevra Kornbluth (associated Professor of Art at Youngstone State University, a specialist in early medieval gemstones, and authoress of numerous studies on Carolingian intaglios) has studied the cross in detail using high-resolution photos, analysing the tool used to engrave the rock crystal – a sharp instrument with a spherical tip, which did not create ‘actual curved lines, but rather groups of straight lines arranged to look like curves.’ She also looked into the iconography, comparing the original treatment of the head of St John’s eagle, with its three narrow bands, to the great eagle/pheasant of the enamelled gold fiula from Mainz, usually dated to around 1000 A.D. or the fist half of the 11th century. After analysing the inscriptions, she suggests all the gemstones are of Carolingian origin from the start of the 10th century, noting that Ottonian craftsmen were reputed for reinterpreting Carolingian visual compositions – and may have been inspired by Carolingian pieces when engraving their own crystals. Claudio Lanzi (a specialist in the symbolism of the Cross) believes that the cross may have been a bishop’s pectoral or used for the cover of a Gospel, with the four-circle geometric design linked to Lombard art. Carlo Carletti (Professor of Philology, specializing in the medieval development of Latin & Greek) has studied the inscriptions, especially the ???U? (IXTUS) accompanying the Christ in majesty. He believes these are capital letters, with the form of the Y, the S and the crescent-shaped sigma due to ‘transliteration’ reflcting linguistic evolution between the 8th and 10th centuries. The upsilons in MARCUS and MATTEUS follow the same rules of linguistic evolution as the ‘phoneticization’ of Latin and Greek prior to 1000 A.D. A copy of all these studies will be received by the purchaser. Publications consulted: - O. Zastrow & S. de Meis: Oreficeria in Lombardia dal VI al XIII Secolo – Croci e Crocifissi (Milan 1978) - G. Kornbluth: Engraved Gems of the Carolingian Empire (Pennsylvania State University, 1995) - Petala Aurea – Lamine di Ambito Bizantino e Longobardo dalla Collezione Rovati – Chapelle de la Villa Reale, Monza 2011 (exhibition catalogue)