Alphonse de LAMARTINE (1790-1869). Lettre autographe signée à un rédacteur du Correspondant. Macon, 19 février (1831). 4 p. in-4. Belle lettre sur le rôle de la presse, écrite quelques mois après la fondation de L'Avenir (octobre 1830) dans laquelle il demande à son interlocuteur de quitter Le Correspondant pour rejoindre L'Avenir. Il s'agit probablemement d'un des fondateurs du Correspondant, Louis de Carné, Edmond de Cazalès ou Augustin de Meaux. L'Avenir cessera sa publication un an plus tard en novembre 1831 : J'arrive et trouve votre lettre mon cher ami, elle attendait depuis un mois … J'ai pensé beaucoup au Correspondant et j'ai trouvé qu'il ne répondait pas suffisamment aux besoins du moment et aux conditions de son existence depuis trois mois. Pourquoi donc allez-vous dire ? Pourquoi ? Je vais vous le dire tout net : parce qu'il n'est pas la pensée toute entière. Non, il n'est pas la pensée, et tout homme qui tremble devant la pensée ne doit pas l'écrire comme tout homme qui a peur de son ombre ne doit pas marcher au soleil ! Votre pensée n'est pas une hermaphrodite sans sexe parce qu'il en a deux, elle ne peut être ce tissu de ménagement, de concessions timides, d'incertitudes, de réticences, de respectueux hommages de son passé mort de terreurs devant un avenir redoutable mais grand ! Si vous avez tout cela dans l'âme, débrouillez le ! Si vous êtes dans des liens qui vous tiraillent brisez les ! Mais vous homme de foi, homme intact, homme d'avenir, homme de talent de vérité d'espérance n'usez pas votre plume et la responsabilité de votre nom puissant sur des pages aussi ternes politiquement parlant. L'Avenir prend votre place. Vous la lui laissez prendre méticuleusement. Voilà un journal vraiment neuf, fort, franc, à la hauteur du siècle. Celui-là se crée son public et ne se laisse pas pâlir et éteindre par la peur de ses abonnés ou de ses lecteurs ! … je voudrais que laissant là le Correspondant vous passassiez par ce navire dont la quille est plus ferme et les voiles mieux orientées. Voilà ma pensée toute crue … cela ne vaut rien quand on veut faire un livre pour l'humanité, un livre à page quotidienne. Là il faut écrire presque devant Dieu seul et ne s'alarmer que devant la conscience. Le génie s'en trouve mieux, le siècle qui est en masse est sincère et satisfait, il se forme pour vous un auditoire, vos idées deviennent celles d'une armée intellectuelle, le pouvoir vient à elles, elles règnent et font le bien. Voilà pourquoi la presse a été donnée à l'humanité…