SOUTINE, Chaïm L.A.S. (8), 1 carte postale, 2 télégrammes, à Gerda Groth, dite "Garde" Paris, Civry et l'Isle-sur-Serein, 1939, 1940 EXTRAORDINAIRE ENSEMBLE DE LETTRES DE SOUTINE ADRESSÉES À "GARDE", SA COMPAGNE D'INFORTUNE, EN PLEINE GUERRE. ELLES ÉCLAIRENT LA DERNIÈRE ÉPOPÉE D'UN DES PLUS GRANDS (ET DES PLUS SECRETS) PEINTRES DU XXe SIÈCLE Soit, 18 pages autographes signées de Soutine. Divers formats in-8 (environ 160 x 110mm). Encres noires, brunes et bleues sur papier quadrillé, papier blanc, papier bleu, papier à en-tête de l'hôtel de L'Isle-sur-Serein et du Grand Café Chaucuard à Auxerre. 5 fragments d'enveloppes libellées par Soutine. Les cachets de la poste lisibles donnent des dates de 1939 et 1940. PIÈCES JOINTES : 1 lettre de Gerda Groth à Jacques Guérin ; 1 faire-part imprimé pour l'enterrement de Soutine. Sans douleurs. Viens le plus tôt possible. Chère Garde, n'oublies pas de m'apporter toutes mes affaires, le tableau la petite fille, le paysage, les tableaux déchirés, le liquide, la pommade pour les cheveux. N'apporte pas les châssis. J'aurais voulu venir à l'Isle pour quelques jours me reposer mais mon estomac ne permet pas. J'irai te chercher à la gare. Soutine. (…) En ce moment moi-même je vis très pauvrement car j'ai très peu d'argent et les quelques argents que j'ai possédés en banque ont été bloqués à cause de la guerre (…) Chère Garde, j'ai laissé un tableau qui représente le paysage avec le chemin qui monte (…) Garde, pourquoi as-tu envoyé toutes mes affaires de travail ? C'est absurde puisque j'ai l'intention d'aller à L'Isles travailler pour quelque temps. Et tous les chassîs, les couleurs, il fallait les laisser là. Garde, ne sois pas inquiète, j'arriverai à Civry dans quelques jours, pas avant, car j'ai eu un petit accident avec ma main en glissant sur le pavé. J'espère que ce n'est pas grave La carte postale et un télégramme sont adressés à Gerda Groth, au Camp Gurs : Chère Garde, je ne t'oublie pas. Il faut prendre habitude à ta nouvelle vie, tout le monde est malheureux maintenant … Soutine, artiste peintre, 18 villa Seurat. Paris 14 Chaïm Soutine n'a tenu aucun journal et n'a laissé que peu de lettres. La découverte de ces lettres adressées à l'une de ses dernières compagnes, en pleine guerre, constituent un témoignage remarquable sur le grand peintre russe de la première moitié du XXe siècle. Chaïm Soutine rencontre Gerda Groth en 1937, lors d'une exposition qui lui est consacrée au Petit Palais, à Paris. Il lui donne le surnom de " Mademoiselle Garde " après leur premier rendez-vous au Dôme. Lorsque la guerre éclate, à l'été 1939, ils partent vivre ensemble dans un petit village de l'Yonne, Civry, recommandé par le peintre Einsild. Un des télégrammes de Soutine est adressé à une certaine Madame Soutine, c'est-à-dire Gerda Groth, qu'il faisait passer pour sa femme. Le 15 mai 1940, Gerda est arrêtée avec d'autres juifs allemands, par la police française, et déportée au camp de Gurs, dans les Pyrénées. Elle sera libérée grâce à l'intervention de Joë Bousquet. Mais elle et Soutine ne se reverront pas. Cette correspondance révèle les inquiétudes de Chaïm Soutine et Gerda Groth quant à leurs papiers, leur santé, les allers-retours de Soutine entre Paris et Civry, et, à la fin, l'internement de Gerda. Mais derrière l'expression de ces nombreuses difficultés décrites dans le français particulier de Soutine, se devinent l'affection et l'attention d'un homme pudique pour sa compagne qu'il tente sans cesse de rassurer. Le papier quadrillé in-4° mentionnant au crayon noir l'adresse de Soutine à Paris et à Lèves chez Magdeleine Castaing n'est pas de la main de Soutine.