Rare cuve baptismale en pierre calcaire sculptée en fort relief sur trois côtés. Façade ornée de cinq arcatures en plein cintre avec arc central plus important souligné d'un ruban plissé, les autres de billettes, écoinçons meublés de rosaces fluronnées ; cet arc médian est appuyé sur des colonnettes aux chapiteaux sculptés de griffns affontés, un antérieur levé ; le tympan porte une croix aux branches légèrement épatées entourée d'un cercle d'olives surmontant deux oiseaux qui s'abreuvent symbolisant l'Eucharistie ; face latérale gauche à décor d'une branche enroulée aux ramifiations disposées en éventail se terminant en crosse feuillagée avec grappes de raisin, le tout inscrit sur un arc à chevrons ; de part et d'autre, en plus faible relief, rameau dressé à tiges entrelacées ; face latérale droite avec arc en plein cintre à décor de damier reposant sur des colonnettes aux chapiteaux à crossettes abritant un ruban rainuré entrelacé formant un quatre-feuilles dans un ovale ; deux rameaux à volutes s'achevant en palmette encadrent cet arc ; une extrémité du rameau de gauche est retenue par la gueule ouverte d'une tête léonine placée à l'angle droit de la cuve ; une fiure masculine en buste coiffe d'un bonnet orne l'angle opposé. Le bord du côté droit présente une pente inclinée vers l'intérieur ; trous d'évacuation d'eau. Angoumois, fi du XIe/ début du XIIe siècle H 53 × L 148 × P 92 cm Cette cuve proviendrait du village de Chateauneuf-sur-Charente situé à une quinzaine de kilomètres d'Angoulême qui possède une des plus imposantes églises romanes de la région. C'est après 1081 que l'abbaye voisine de Bassac y avait en efft fondé un prieuré dédié à saint Pierre, prieuré remplacé au cours de la première moitié du XIIe siècle par un nouvel édifie de plus vastes dimensions. Le décor sculpté de la cuve est d'un style encore archaïque que l'on peut dater d'avant la grande efflescence ornementale romane des années 1130. On voit en efft un répertoire assez restreint faisant la part belle au thème architectural avec sa façade qui rappelle celle d'une église ainsi qu'aux compositions végétales avec ses rinceaux épais et ses feuilles dérivées de l'acanthe. Le thème animalier est limité à une tête de félin et à deux colombes, quant à l'humain, il n'est présent que par un petit buste de personnage. Il semble que la réalisation de cette cuve est à situer un peu avant celle de la cathédrale d'Angoulême entreprise vers 1108 ; sur la façade de laquelle, on retrouve en efft le ruban plissé, les frises de damier et les rinceaux vigoureux aux tiges nervurées mais dans un style plus abouti (fi.). La forme de ces fonts baptismaux, rectangulaire et d'assez grande taille, permet également de placer cette cuve dans l'évolution des rites du baptême. Pratiqué au cours des premiers siècles dans les rivières ou les fluves, le baptême s'effctua ensuite dans des baptistères. Ce n'est qu'à partir de la fi du VIIIe siècle que l'on commença à administrer le baptême à l'intérieur des églises paroissiales dans des grandes cuves à même le sol. Le rite s'effctuait alors par immersion, totale ou partielle, en plongeant le catéchumène dans l'eau. Ce ne fut qu'à partir du XIIIe siècle, que l'on commença à pratiquer le baptême par infusion c'est-à-dire en versant de l'eau sur la tête du catéchumène dans des cuves surélevées de forme généralement circulaire. La cuve romane présentée ici est un des rares témoignages, à l'instar de la célèbre cuve de la cathédrale d'Amiens, du passage du baptême par immersion au baptême par infusion. Le bord pentu vers l'intérieur - que l'on observe sur le côté droit de la cuve - devait faciliter ce rite de la semi-immersion du catéchumène. Ouvrages consultés : M-T. Camus, E. Carpentier, Sculpture romane du Poitou, Paris, 2009 ; Exposition Poitiers 2011, L'Âge roman – Arts et culture en Poitou et dans les pays charentais. Xe-XIIe siècles, musées du Poitou-Charentes, cat. ; J. Houdant, Fonts baptismaux en pays de Somme du 10e au 13e siècle, s.d.; Cuves baptismales et fonts baptismaux : évolution formelle avant le XVIe siècle, site internet du Ministère de la culture.