Paul Kodjo (né en 1939, Côte d'Ivoire/Ghana)
Extrait du roman photo "Perdue et retrouvée", 1973
Tirage argentique
Edition 5/8 + 3 EA
50 × 60 cm
Exposition
Paris, Galerie In Camera, Paul Kodjo et Ananias Léki Dago, 17 septembre - 24 octobre 2020
Paul Kodjo: Films Noirs
Paul Kodjo est né en 1939, d’un père ivoirien et d’une mère ghanéenne. Formé à Abidjan et à Paris, il devient correspondant en France du quotidien gouvernemental Fraternité Matin, puis fonde à son retour à Abidjan sa propre agence, en 1970. Titulaire d’une carte de presse, il suit le président Félix Houphouët-Boigny dans ses déplacements officiels dans un pays qui connaît des années fastes grâce au cacao, mais aussi à l’international. Il assiste aux dîners mondains, aux soirées dansantes qui rythment la nuit abidjanaise.
A l’instar de Malick Sidibé, qui arpente les fêtes de Bamako, de Philippe Koudjina Ayi à Niamey ou de Jean Depara à Kinshasa, Paul Kodjo immortalise une jeunesse qui profite d’une indépendance conquise il y a peu. Mais la grande originalité de l’approche de Paul Kodjo vient de son regard cinématographique – il a suivi des études au Conservatoire indépendant du cinéma français –, qu’il exerce avec finesse dans une série de clichés qu’il réalise pour les romans-photos de l’hebdomadaire Ivoire Dimanche.
Séverine Kodjo-Grandvaux
Ce sont trois tirages de ce travail singulier sur les romans-photos, dont deux inédits, que nous présentons ici. La maîtrise de Paul Kodjo est celle d’un grand artiste de la lumière. Des cadrages dignes d’un Scorsese, une ambiance des films noirs d’Hitchcock démarquent celui qui continue en parallèle de son travail de photographe, à écrire des scénarios de films. Contrairement aux autres maîtres de la photographie du continent, Paul Kodjo est un créateur, plus qu’un rapporteur. Il met en scène, théâtralise aux fins de convaincre. Il cherche non la commande, mais l’immersion du regardeur dans une histoire à laquelle il aspire sans la connaître encore. La scène d’intérieur extraite du roman-photo Perdue et retrouvée (1973), montre chose rare, le lieu de vie d’un couple affluent à Abidjan dans les années 1970. On est invité à pénétrer dans l’intimité du couple, on imagine un Citizen Kane. L’homme et la femme se regardent dans un mouvement suspendu, évocateur avant l’heure de la Kitchen table series d’une Carrie Mae Weems. Car par la fiction, Paul Kodjo nous en dit peut-être plus sur la société africaine et le monde intérieur des hommes et des femmes africains après l’indépendance. Les personnages de Paul Kodjo parlent. Ils ont un nom, un parcours, font des choix, en tirent les conséquences. Et c’est peut-être là ce qu’il y a de révolutionnaire dans ce travail: la part d’auto-détermination dans la construction d’un narratif où le sujet africain est désormais conjugué à la première personne, et révélé dans ses infinies nuances.