Suwèr du Sénégal : La Collection Michel et Régine Renaudeau
La technique de la peinture fixée sous verre s’est largement répandue dès le XVIIIème siècle, depuis les régions d’Europe centrale pour gagner le Maghreb où fleurit alors, grâce aux artisans turcs et italiens installés le long de la côte, une production originale puisant dans les thèmes religieux, mais aussi dans le creuset populaire des contes et des légendes.
Gora M'Bengue dans son atelier, 1979
© Renaudeau, Strobel, Peinture sous verre du Sénégal
Ed Fernand Nathan, Paris, 1984
En Afrique Sub-Saharienne, l’art du sous-verre s’est tout particulièrement développé au Sénégal où il perdure encore aujourd’hui. Plus connu sous le mot désormais adapté en wolof qui désigne cette technique, le Suwer témoigne avec force et finesse de la vie et des préoccupations populaires. Il met d’abord en scène à la fin du XIXème siècle, l’iconographie religieuse avant d’introduire des scènes profanes de la vie courante. La technique est aussi utilisée pendant une brève période, comme ornement de cadres pour les photographies que l’on retrouve à Saint-Louis, à la même époque, avant de faire une place de choix au portrait peint. Très rapidement, alors que partout ailleurs la production de peintures sous verre se retrouve supplantée par la diffusion de l’image imprimée, au Sénégal, elle perdure et donne cours à une expression plastique populaire singulière.
© Meïssa Gaye (1892-1982)
Boubacar Dieng et Astou M'Bodj, petite fille de la reine du Waalo
Saint-Louis du Sénégal, Collection Selé Gaye
La Collection Régine et Michel Renaudeau, dont nous dispersons aujourd’hui un ensemble inédit de 42 sous-verres répartis en 21 lots, est exceptionnelle à plus d’un titre.
Assemblée patiemment pendant plus de quarante années, cette collection compte des sousverres sénégalais parmi les plus anciens connus à ce jour, et réunit les grands noms de la spécialité, dont cinq maîtres de la discipline que sont Gora M’Bengue, Babacar Lô, Mor Gueye, Djibril Fall Diene ou encore Fallou Dolly, encore actif aujourd’hui. Leur qualité de conservation est remarquable et la variété des thématiques abordées offre un formidable panorama de la richesse des sujets traités par ce médium dans la tradition sénégalaise.
Arrivés au Sénégal dans les années 60, Régine et Michel Renaudeau se sont rencontrés au Grand Théâtre Sorano de Dakar, à une époque où l’art, dans un Sénégal tout à l’ivresse d’une indépendance fraîchement regagnée, tient une place toute particulière. Elle, normalienne et professeure, passionnée de cinéma, lui, jeune photographe fraîchement débarqué comme coopérant. Très rapidement, leur vie s’organise entre Gorée et Dakar et ils ne se quitteront plus. Proches des artistes, cinéastes, auteurs de théâtre, musiciens, Régine et Michel Renaudeau visitent les ateliers et nouent des liens avec la scène artistique sénégalaise. C’est d’ailleurs à la faveur d’une longue amitié de Régine avec le cinéaste Sembène Ousmane que Michel se retrouve en 1971 comme acteur dans son film iconique, Emitaï.
Artiste anonyme (Senegal, XXe siecle)
La Kaaba, 1950
Estimations : 3000 / 5000 €
Pendant près de 40 ans, ils achètent et conservent une collection exceptionnelle de sous-verres retraçant l’histoire de ce médium des plus fragiles. En 1984, Michel Renaudeau présente “Peinture sous verre du Sénégal”, une des premières expositions dédiées au Suwèr, à la galerie du Centre d'Échange Culturel de Langue Française à Dakar. L’exposition sera accompagnée d’un livre édité chez Nathan avec Michèle Strobel, qui étudie l’histoire du médium et crée un répertoire thématique témoignant de la richesse de l’iconographie. Enfin, il initie des conférences visant à faire connaître cette technique simple à la maîtrise exigeante.
Des Drianké, ces femmes élégantes aux parures somptueuses, dont les poses et le raffinement rappellent les estampes japonaises qui se développent quelques décennies plus tôt, à l’autre bout de la planète, aux scènes de musiciens en représentation, boubous fleuris au vent; des figures de dévotion aux couples enlacés, c’est toute la vie sénégalaise qui se déroule sous nos yeux, dans sa richesse et sa complexité.
Gora Mbengue (1931-1988, Sénégal)
Lot de trois peintures fixées sous verre
Estimations : 1500 / 2000 €
