Eduardo Arroyo, qui est considéré comme l’un des grands artistes espagnols de sa génération, s’est installé à Paris en 1958 après avoir fui l’Espagne de Franco. Il participe avec Gilles Aillaud et Antonio Recalcati, en 1964, à la formation du groupe de la Figuration narrative, qui jouera un rôle important dans le développement d’une nouvelle figuration. Leur engagement idéologique contestataire s’accompagne d’une réflexion sur le rôle des avant-gardes qui éclatera au grand jour en 1965 lors de la présentation de l’œuvre collective Vivre et laisser mourir ou la fin tragique de Marcel Duchamp dans le cadre de la manifestation organisée par le critique Gérald Gassiot-Talabot, « La figuration narrative dans l’art contemporain ».
Eduardo Arroyo (1937-2018)
Melancolia II, 2002
Estimation : 20000 / 30000 €
La verve créatrice d’Arroyo, alliant ironie et parodie, provocation et subversion, s’est livrée à un portrait cinglant de la société espagnole sous Franco, en détournant notamment dans les œuvres des années 1970 les clichés de la culture espagnole : « Je me suis formé à l’intérieur de l’Espagne franquiste jusqu’à mon arrivée en France, et à partir de ce jour, ce souvenir, les frustrations collectives subies, l’espoir et le pessimisme ont fait devenir ce pays et son histoire pour moi, une réalité constante dans ma pratique de la vie et de mon travail. » Pour autant, on ne saurait réduire la peinture d’Arroyo « à une action militante », elle est aussi et surtout une « interrogation autobiographique (solitude de Robinson Crusoé), qu’elle questionne sur le rôle du peintre dans la société, sur son pouvoir d’action », et aussi « sur la situation de l’intellectuel exilé » (Dominique Bozo). C’est exactement l’impression que dégage le tableau d’Arroyo « Melancolia » (2002) qui montre un visage anonyme coiffé d’un chapeau, comme souvent chez le peintre espagnol, se détachant sur un fond de paysage désertique. Le caractère énigmatique de cette œuvre est typique d’Arroyo qui aime peindre des tableaux mystérieux sans qu’il y ait un sens véritable à trouver, préférant, comme il l’expliquait, « laisser transparaît(re) le pouvoir d’évocation de la peinture.»